Même d'un point de vue uniquement philosophique, les dés semblent pipés. Strindberg, héritier de cette théorie schopenhauérienne du malheur, ne donne à Julie d'autre issue que de mettre fin à ses jours, ce que Boris Vian, dans sa postface, appelle « un dénouement cruel et biologique[Ab 12] ». Le plein d'affiches ! Fait l'éloge de la justesse du dialogue, tout en soulignant l'influence évidente du naturalisme français. Cette nouvelle vision de l'art théâtral et de sa pratique est commune au dramaturge et au philosophe, car, pour l'un comme pour l'autre, la mise en scène est un modèle destiné à saisir la théâtralité de la pensée et l'art théâtral devient spectacle et modèle. Enfin, comme Zola pour ses romans, Strindberg croit que le naturalisme au théâtre n'est pas qu'un spectacle ou un divertissement, mais doit répondre à une nécessité pédagogique susceptible d'expliquer, de faire comprendre et d'améliorer les comportements et les institutions. Cette prétention conventionnelle à l'honnêteté tue la vie et la vérité et fait du théâtre un spectacle insipide et inutile. D'où son caractère indécis, hésitant entre la sympathie et la haine pour ceux qui occupent des postes élevés. Pour les deux auteurs, il s’agit de refuser une création soumise à la logique d’une conscience dominante et, au contraire, de rétablir la distance inouïe que l’œil de Zaratoustra porte sur la réalité humaine au-dessous de lui[I 18]. Son amour de l’action, son mélange du rire et des larmes, sa recherche du costume et du décor exacts, indiquent le mouvement en avant vers la vie réelle, « Cette œuvre est vraiment prédestinée à être montrée actuellement à Paris, au Théâtre-Libre de M. André Antoine, « [Strindberg] sent que Zarathoustra est un, « mise en scène qui libère l’art théâtral du cliché et de tout ce qui peut le déterminer, « constituer un progrès ou devenir le germe d’une nouvelle forme artistique, où il serait véritablement question de création, « Je n’ai pas procédé de manière exclusivement physiologique, pas plus que je n’ai cédé à la monomanie psychologique », « la rencontre de Juliette avec Julie semble évidente, « La parole, les voix ont un rôle aussi important que les visages, les regards, et les corps », « Nous serons extrêmement attentifs à la lumière et notamment sur la manière dont nous pourrons l’adoucir pour les gros plans de Juliette Binoche. « Partout dans la préface on tombe sur les thèses darwinistes[E 6] ». Mais ce n'est qu'à la Convention de Moss, le 14 août 1814, que la Norvège accepte d'entrer en union personnelle avec la Suède pour former la Suède-Norvège. À partir de là, Sprinchorn fait tout un travail d’identification, tentant de concilier les aspirations programmatiques de la « préface », les personnages censés les réaliser et les rebondissements de la pièce. (...) MADEMOISELLE JULIE n’est sans doute pas un film qui s’adresse à tout le monde : verbeux, bavard, sobre, le film de Liv Ullmann est très littéraire. En fait, malgré le respect dû au génie philosophique de Schopenhauer, personne de sérieux aujourd'hui ne pourrait cautionner ce discours misogyne dû à une haine irrationnelle pour les femmes et sûrement sa relation avec sa mère. Il a notamment fait en sorte de traiter un sujet qui suscite l’intérêt du spectateur, s’adresse à toutes les couches de la société, au meilleur et au pire, aux hommes comme aux femmes : la déchéance. Mademoiselle Julie, c'est une femme qui vit son désir. Il n'a pas mis de temps à apprendre, acquérant la finesse nécessaire (sens olfactif, gustatif et oculaire) pour reconnaître ce qui est beau. Elle évoque, pour elle, de grandes figures du féminisme comme George Sand, avec tous les principes que l'éducation a tenté d'inculquer aux femmes[a 3]. Mademoiselle Julie est sans doute traversée par l'ensemble de ces thématiques qui rendent les grands poèmes dramatiques inépuisables et fascinants. Dans ces conditions, comment peut-on encore croire à l'amour en dehors de ce vouloir-vivre qui pousse l'homme à l'acte sexuel pour la simple reproduction ? En un mot, elle présente toutes les caractéristiques de la névrose. Cependant dès la première moitié du XIXe siècle, le pays connaît une très forte industrialisation grâce à des progrès technologiques fulgurants. ». Il faut attendre le 26 octobre 1905 pour voir aboutir la séparation des royaumes de Suède et de Norvège (Unionsoppløsningen en norvégien, Unionsupplösningen en suédois). Maud Gouttefangeas apporte la preuve par Mademoiselle Julie que la prise de conscience passe par le théâtre, en l’occurrence le théâtre dans le théâtre : « Jean, véritable protée, triomphe parce qu’il sait jouer, parce qu’il maîtrise ses rôles, clairvoyance que Mademoiselle Julie ne possède pas. Minimaliste et glaciale à l'extrême, rien ne vient perturber le spectateur de ce texte que certains pourront trouver daté. La demi-femme [...] n'est pas une bonne espèce, car elle n'a aucune résistance, mais elle ne s'en reproduit pas moins, en reconduisant sa misère de génération en génération[Ab 7]. Ce cynisme se traduit par opposition à l'autorité de l'aristocratie qu'il sert. Rien qui puisse permettre de faire le lien entre les procédés dramaturgiques et les raisons philosophiques qui ont présidé à la tragédie et à son déroulement, dans tout ce qui a réussi à créer le drame naturaliste. ». La misogynie de Strindberg puisée dans la pensée d'Arthur Schopenhauer a ceci de particulier que pas plus que sa source elle ne se veut caricaturale, agressive ou vindicative, ou construite subjectivement sur des éléments biographiques personnels. Recrutement | Mais Strindberg avait prévenu son lecteur-spectateur dès la « préface » : « Si la plupart des gens éprouvent un sentiment de tristesse au spectacle de ma tragédie, ils ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes[Ab 13]. Selon Heller, il n'y a aucune différence entre Strindberg et son art. Il détruit tous les piliers des conventions aristotéliciennes : abandon de la division en actes, resserrement de l’action, du temps et de l’espace, simplification de l’intrigue, en vue de « constituer un progrès ou devenir le germe d’une nouvelle forme artistique, où il serait véritablement question de création[I 17]. Le choix des amants reste pour lui une énigme de la psychologie amoureuse de l'être humain individualisé. Suivre son activité En adaptant la pièce de Strindberg, la réalisatrice Liv Ullman concrétise une envie de longue date, car elle rêvait, étant jeune, d’incarner le personnage de Mademoiselle Julie sur les planches. [...] Il est certain que les acteurs en souffrent, de sorte que le jeu si expressif des regards est perdu : la lumière de la rampe frappe la rétine en une partie qui reste généralement dans l'ombre (sauf chez les marins, qui voient dans l'eau le reflet du soleil), et c'est la raison pour laquelle il n'est rarement d'autre jeu de regards que le roulement d'yeux vers les côtés ou vers la galerie, qui révèle le blanc de la cornée. ». D'où l'élection suicidaire de l'insoumission, d'un mépris « aristocratique », mais d'une aristocratie mitigée, presque usurpée, du moins en partie. Si Strindberg rêve d'un théâtre neuf, le philosophe met en avant des notions de pluralité, de corporéité et de mouvement que l'on retrouve dans la préface de Mademoiselle Julie. ». Selon Törnqvist et Jacobs, la « préface » décrit Mademoiselle Julie comme une tentative de communication sur la compréhension du théâtre futur en termes de contenu et de forme. La chorégraphe Birgit Cullberg en a fait un ballet créé à Västerås en 1950 sur une musique de Ture Rangström. Mademoiselle Julie est une pièce de théâtre d'August Strindberg, adaptée à l'écran par Liv Ullmann. Le plus connu, le plus fidèle et un des principaux soutiens du théâtre fut sans doute Émile Zola qui inaugura la scène de la petite salle avec la représentation de sa nouvelle Jacques Damour, adaptée par Léon Hennique en une pièce en un acte. » En fait Strindberg entend ne pas rompre la tonalité tragique de l'ensemble et « ne veux pas, dans une action sérieuse, de bouffonneries, pas de rires grossiers dans une situation où se ferme le tombeau d'une famille[Ab 1]. Le public est ainsi empêché d’intérioriser le spectacle et de démonter les mécanismes de la tragédie avant le tomber de rideau : l'utilité des monologues, les choix scéniques, les subterfuges qui permettent de simuler un cadre réel, le maquillage réaliste, l’éclairage qui cherche à rendre le naturel de la lumière du jour. Ainsi, Mademoiselle Julie « atteint au paroxysme de la catastrophe[D 5] ».